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  • Le septième ciel

    La porte du paradis

    Atteindre le nirvana est le rêve de tout néophyte. Et la promesse de la plupart des initiations, qu'elles soient tantriques ou non, car cela ne se refuse pas! Tout le monde cherche un bonheur durable, car toute vie comporte des moments de malheur, plus ou moins certes selon les personnes et les périodes, mais en aucun cas, elle ne peut s'apparenter à ce fameux nirvana... qu'il faudrait encore arriver à définir, autrement que négativement (absence de malheur, de souffrance, d'angoisse, etc.) 

    Une première approche consiste à partir d'un moment vécu de grand bonheur (rencontre amoureuse, succès à un examen, naissance d'un enfant, récompense...) et d'imaginer que ce moment fugace dure éternellement. Vous remarquez déjà qu'il faut mettre la vie "normale" de côté, puisque toute vie comporte des aléas, le plus évident étant qu'elle est limitée dans le temps puisqu'elle aboutit à la vieillesse puis à la mort. Les ascètes et mystiques, qui disent avoir atteint un état de béatitude ont tous, d'une manière plus ou moins absolue, refusé la vie sociale, brisé toute attache familiale, rejeté tout plaisir, méprisant leur propre corps pour ne plus se préoccuper que de leur esprit, entrant de leur vivant dans l'au-delà. Ils ne s'en sont jamais plaints, mais leur expérience reste ineffable. Rien de ce qui est terrestre (l'amitié, l'amour, la nourriture, la musique, les arts, l'argent...) n'ouvre les portes de ce nirvana, car ces plaisirs sont limités dans le temps et génèrent la plupart du temps plus de soucis qu'ils n'apportent de satisfactions. Le chemin de ceux qui se retirent du monde est si rude que beaucoup sont incapables de le suivre, et certaines spiritualités indiennes expliquent qu'il faut plusieurs vies pour y parvenir. De plus, cette aventure ne peut pas être généralisée, au risque de détruire la société, voire l'humanité : sans procréation, comment assurer sa survie ? Les drogues donnent aussi le sentiment d'entrer dans le nirvana, mais elles ne font qu'agir sur un esprit et un corps passifs qui, incapables de fonctionner normalement, ne peuvent qu'en subir les contraintes, un peu comme lors d'une anesthésie où l'on se trouve "déconnecté" ; les drogues entraînent une dépendance extérieure totale. Lorsqu'il en est privé, l'être humain n'est que souffrance, incapable de faire quoi que ce soit. Leurs effets dévastateurs détruisent peu à peu l'organisme. Or sans organisme... pas de vie, et pas de nirvana !

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    La sexualité est un autre moyen de concevoir ce nirvana. En effet, elle génère un plaisir si intense que le nirvana s'apparenterait à un orgasme infini. Les extases des saints ou des saintes sont de cet ordre, et le vocabulaire qu'ils emploient, comme leur représentation dans l'art, en rendent parfaitement compte. Mais le plaisir sexuel est fugace, et des voies comme le tantrisme, ou le taoïsme (très proches l'une de l'autre), visent à le maîtriser afin de le prolonger. Tout plaisir est généré puis développé par le cerveau, ce qu'illustre parfaitement  le "coup de foudre" : chacun trouve alors en l'autre une image de la perfection, gommant inconsciemment tout ce qui pourrait provoquer la moindre fissure. La sexualité ouvre alors des horizons illimités et des sensations de plaisir inédites. Le moindre contact peut susciter un orgasme. Que cette passion s'épuise pour une raison ou une autre, et l'amant(e) extraordinaire perd tout pouvoir. Alors que physiquement personne n'a changé, l'esprit a éloigné les corps et dissipé les sensations. Tout redevient banal, voire fastidieux. Certes, de nouveaux sentiments comme la tendresse peuvent naître pour assurer la survie du couple, mais force est de constater que "ce n'est plus comme avant". Le cerveau ne secrète plus ces hormones qui enchantaient le corps.

    Le tantra ne prétend pas créer l'amour éternel. Mais, en agissant sur l'esprit, il veut faire rayonner un plaisir issu des zones érogènes dans l'ensemble du corps, et ainsi le prolonger, voire le multiplier. Cela ne se produit pas du jour au lendemain, mais cette voie est plus facile à suivre que celle des ascètes, et ne demande pas d'engager l'ensemble de sa vie, permettant d'entrenir des relations familiales et sociales. Pour qui est en quête du nirvana, il ne s'agit que d'une étape, une sorte d'avant goût de ce qui ne s'obtient qu'avec d'autres exercices... et des efforts. Le tantra offre donc la possibilité de procéder pas à pas, et d'oublier pour un temps limité les aléas de la vie quotidienne, alors que d'autres chemins impliquent un engagement total. Encore ne faut-il pas confondre l'amour, riche de liens affectifs, et le plaisir, qui en est dénué. Le tantra ne cherche pas à établir une relation amoureuse entre deux êtres. Il veut leur apporter un plaisir intense.

    Le but du massage tantrique est d'amener à une décontraction profonde qui fait oublier le passé, le futur, pour ne plus vivre qu'au présent : comment se détendre pleinement en pensant à une fin de mois difficile ou à un  bonheur... à venir ? Le cerveau déconnecté de ses préoccupations habituelles ne se concentre que sur ce que le corps lui transmet : des sensations agréables. Cet état de vacuité de l'esprit et de délassement du corps permet à l'énergie de circuler plus librement, et de ressentir beaucoup plus intensément le moindre plaisir. Est-ce le nirvana ? Ce serait beaucoup dire, et bien d'autres exercices sont nécessaires pour accéder à cet état. Même si le tantrisme dit que cela peut arriver subitement, comme une illumination, sans que cela ne soit ardemment recherché.

    De toute manière, la décontraction ne peut faire que du bien. La recherche forcenée du plaisir absolu pour lui-même est condamnée à l'échec. Alors que l'ascète suit seul son chemin, à la rigueur guidé par un maître, le tantrisme se pratique plus facilement à deux, voire plus, dans la mesure où les énergies, loin de se contrarier, ne font que s'enrichir les unes les autres ; cette union des énergies est une autre clé du tantrisme. Le sentiment de plaisir reste évidemment personnel, mais la pluralité enrichit les moyens d'y parvenir.

     

  • Chassez le naturel ?

    Un poil de réflexion

    Où en est la mode ? Voilà un sujet bien préoccupant pour savoir ce que nous devons faire des poils et odeurs que la nature nous a plus ou moins généreusement donnés. Le sujet divise : d'un côté, il y a ceux qui prônent un retour au naturel le plus complet, excluant tout parfum ou tout rasoir, d'un autre, ceux qui ne cessent de contrarier ce naturel pour traquer le moindre poil, orner leur peau de tatouages délicats ou délirants, et parfumer tout ce qui peut l'être, afin de chasser la moindre odeur corporelle. La civilisation s'opposerait ainsi à l'état de nature. Remarquons tout d'abord que si nous arrivons à vivre actuellement aussi vieux et dans de bien meilleures conditions physiques qu'auparavant, c'est bien parce que l'hygiène a considérablement progressé. La couche de crasse qui, autrefois était censée protéger la peau, entretenait plein de petites créatures qui ne nous voulaient pas que du bien. Manger avec des mains sales fait avaler bien des choses qui ne facilitent pas la digestion. Ne jamais se laver les dents ne les rend pas plus saines, et nos ancêtres édentés en firent la triste expérience.

    Un massage implique de part et d'autre une hygiène parfaite, n'en déplaise à ceux qui pensent que la douche abîme la peau, la privant de micro organismes fort utiles. Inversement, arriver couvert de crèmes ou d'onguents n'est pas mieux, et il faut dans ce cas prendre une bonne douche avant ce massage. En effet, l'huile utilisée, neutre et sans essence ajoutée, suffit amplement à rendre la peau lisse et à la nourrir. Il est évidemment possible de recourir à des essences, mais il faut savoir les choisir et les doser, en évitant de les mettre au contact des muqueuses. Peu à peu, au cours du massage, l'huile pénètre d'ailleurs dans la peau, au point qu'il est possible de partir sans se doucher, et sans briller de toutes parts ! De même, mieux vaut s'abstenir de se parfumer trop généreusement avant un massage qui facilite l'absorption par la peau des micro particules de parfums de plus en plus chimiques. Mais les parfums ne s'opposent pas au tantra, tout au contraire. Ils ont également vocation à enchanter le monde. L'utilisation de déodorants suscite bien des débats qui dépassent le cadre du tantrisme, et surtout celui du massage :  une douche préalable en dissipe une bonne partie, et permet d'éviter que trop de particules nocives ne pénètrent dans le corps. Mais il faut reconnaître que rien n'indispose plus qu'une forte odeur de transpiration. Entre deux maux...

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    Quant au système pileux... il suscite des controverses passionnées, surtout parmi les femmes. Les poils sont nettement mieux admis chez les hommes chez qui ils passent encore pour un puissant signe de virilité. En revanche chez les femmes, ils sont souvent considérés comme une marque de laisser-aller. Une nouvelle fois, des canons esthétiques et moraux règlent la vie sociale. Le tantrisme, répétons-le, accepte chacun comme il est, et si le massage est évidemment plus facile lorsque la peau est lisse, il s'accommode naturellement des poils qui requièrent simplement un supplément d'huile. Une épilation complète ne renforce pas forcément les sensations ressenties, car les poils sont d'excellents transmetteurs de sensations. Dès qu'ils sont huilés, les mains du masseur (de la masseuse) se trouvent quasiment au contact de la peau du (de la) massé(e), permettant de préciser et moduler le toucher, les effleurements. Les massages les plus intimes s'accommodent également de poils sauvages qui entourent les zones les plus sensibles, et ne pensez surtout pas qu'il est indispensable de passer chez une esthéticienne avant un massage tantrique. A chacun de choisir en fonction de l'image qu'il veut donner de lui. Le tantra est toutefois une pratique raffinée, et s'il respecte le naturel, il apprécie que ce naturel... soit bien entretenu.   

  • Le premier pas

    Je n'ose pas...

    Le premier pas est le plus difficile à faire :  "je voudrais bien, mais je n'ose pas, pour qui vais-je passer ? " ! Téléphoner... "c'est terrible, parce que je ne sais pas trop quoi dire, et comme je ne suis pas décidé(e)..." ; envoyer un message par internet, "c'est donner mon adresse et je risque ensuite d'être importuné, voire fiché..." Vous informer ne vous engage à rien, tout au contraire, cela satisfera votre curiosité et vous libèrera de questions, de désirs, de peurs... Sachez que vous ne serez jamais harcelé à la suite.  Ne vous dites pas surtout "je n'ai pas le temps" : il s'agit d'une fausse excuse dans ce domaine comme dans tous les autres, car cela signifie en réalité "je ne le veux pas". Aucun lien caché n'est associé à Tantrapura, qui ne dépend d'aucun groupe, et ce site n'a pas vocation à disparaître du jour au lendemain. Le centre se trouve dans une "vraie" maison d'un "vrai" hameau. Rien donc de virtuel, hormis le site qui n'a rien à proposer d'autre que ce qui y est mentionné. 

    Le plus effrayant pour le néophyte reste naturellement le lien entre le tantrisme et la sexualité, car il est souvent confondu avec la prostitution en raison du nombre de personnes qui utilisent ce mot pour proposer des "services" qui n'ont rien à voir avec lui. Vous les repérerez vite : l'image d'une jeune fille aussi jolie que peu vêtue ne vous amènera jamais vers le vrai tantrisme. Répétons-le, le tantrisme inclut la sexualité comme un moyen, non comme une fin. Comme les tabous sexuels restent les plus puissants de tous, il est naturel d'être effrayé ; c'est à vous de vous en libérer... ou non, en évitant cependant de porter a priori un jugement négatif. Comment juger quelque chose que l'on ne connaît pas ? De toute manière, le tantrisme ne s'adresse qu'à des adultes responsables.

    Dans un premier temps, dites-vous que cela ne concerne que vous (ou votre couple) ; le regard, le jugement des autres n'ont rien à voir avec ce que vous faites, notamment dans la pratique du tantrisme ou des massages. Cette première liberté transformera votre approche. La seconde libération est de vous accepter tel que vous êtes. "Je ne vais pas me faire masser parce que je suis - trop gros(se), trop vieux (vieille), trop timide, trop poilu(e)...- il existe mille motifs, qui, tous, constituent de fausses excuses. Vous êtes avant tout un être humain et aucun ne peut revendiquer la perfection, surtout sur l'ensemble d'une vie. Le modèle physique idéal est fragile, et ne fonctionne que dans un contexte déterminé : il différe selon les pleuples  Une nouvelle fois, ne vous préoccupez que de vous. Il ne s'agit pas de passer un concours, mais de vous détendre et de ressentir du plaisir. Tout un chacun en est capable.  La personne qui vous masse n'est pas là pour vous juger, son  approche est systématiquement positive, et vous êtes assuré de sa confidentialité.

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    Comme l'idéal est de réunir des énergies complémentaires, il est naturel qu'un homme masse une femme, ou vice versa, ce qui curieusement ne pose jamais de problème ! Dans une première approche, un homme peut masser un autre homme, une femme, une autre femme, car tout être possède en lui une part féminine et une part masculine dont la proportion varie selon chacun. De plus, la personne massée ferme le plus souvent les yeux, et un bandeau peut l'aider à se concentrer sur elle-même et à oublier celui (celle) qui la masse et qui ne s'exprime plus qu'à travers ses mains, son énergie. Une femme massée par un homme inconnu ne devient pas une "fille facile" ! Un homme massé par un homme n'est pas systématiquement un homosexuel ! Il n'y a pas de relation sentimentale, et les yeux fermés favorisent l'abandon. Pour une pratique avancée, la complémentarité des énergies est naturellement souhaitable, d'où la recherche de la parité lors des stages.

     

  • Régime ?

    Nourriture philosophique

    Nombre de stages de massage voire d'initiation à l'ayurveda ou au tantrisme prônent plus ou moins discrètement un régime alimentaire, le plus souvent végétarien, parfois même végane, et ils peuvent y associer l'interdiction de boire de l'alcool. Dans le monde indien où sont nés ayurvéda et tantrisme, le modèle de l'ascète ou du moine se privant délibérément de tout plaisir sensuel s'accordait parfaitement à la vie de la majeure partie de la société, trop pauvre pour manger de la viande, ou boire régulièrement de l'alcool. Or l'histoire des civilisations et de l'homme montre que dans toutes les sociétés dites "primitives", cette survie est systématiquement associée à la consommation de viande et/ou de poisson, dès que l'occasion le permet, ainsi que de boissons fermentées. L'homme est naturellement omnivore, donc le végétarisme n'a rien à voir avec un retour à la nature. De plus, c'est grâce à ce régime omnivore que l'humanité vit nettement plus longtemps et dans de meilleures conditions que par le passé, et qu'elle ne cesse de croître.

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    La notion de végétarisme reste de plus très floue, acceptant parfois certaines viandes, du poisson, des oeufs, des laitages ... Quant aux véganes, les plus extrêmistes des végétariens, comment peuvent-ils croire qu'un produit pourrait être "pur", et que leur action améliore la condition animale ? La chaîne alimentaire pousse des animaux non seulement à manger des légumes, mais le p^lus souvent aussi,  d'autres animaux. Si l'on veut récolter des légumes, il faut donc en éloigner les animaux qui s'en nourrissent, même microscopiques (y aurait-il des critères  pour choisir entre "bons" ou  "mauvais" animaux ?) par divers moyens plus ou moins biologiques, mais qui visent tous à les priver de cette nourriture, donc à les faire mourir. Si l'on admet avec certains savants que les végétaux aussi sont capables de ressentir l'affection ou le désinterêt qu'on leur porte (un exemple parmi d'autres) où situer la frontière entre le régne animal et le régne végétal ? Entre ce que l'on va manger et ce dont on doit se priver ? Existe-t-il un seuil de "conscience", interdisant de consommer ce qui se trouve au delà, alors que la vie prend des milliers et des milliers de formes extrêmement complexes, parfois transitoires entre le règne végétal et animal ?

    Dans notre monde, tout est imbriqué, parcouru d'une même énergie qui traverse plantes, animaux et hommes. Rien ne peut vivre à l'écart de cette chaîne constamment entretenue par le cycle de la vie et de la mort. Les pluies ou les vents ne sélectionnent pas les parcelles sur lesquelles ils déposent les poisons et insectes qu'ils peuvent porter. On refuse la laine, les matériaux synthétiques, mais sait-on comment est cultivé le coton ou le lin ? Peuvent-ils pousser par la grâce du ciel à l'abri des parasites et des maladies ? Peuvent-ils pousser sans traitements et sans énormément d'eau, asséchant ainsi des rivières, voire des mers qui auraient été nettement plus utiles en servant à autre chose ?

    La vie des animaux sauvages serait-elle exemplaire ? Leur agonie, parfois très longue, est-elle préférable à leur mort dans un abattoir moderne ? S'ils sont maltraités, c'est naturemment tout aussi condamnable que lorsqu'il s'agit d'un être humain, mais la maltraitance est une perversité qui s'attaque tout autant aux animaux qu'aux êtres humains. Les hommes sont de plus en plus nombreux grâce au - ou à cause du - progrès des sciences, de la médecine. Cela n'a certes rien à voir avec le bonheur, mais les réflexions philosophiques et les régimes sont l'apanage de gens riches, et/ou, de sociétés avancées. Les pauvres n'auront jamais le choix de leur nourriture, à la différence des riches qui peuvent tenter d'équilibrer l'absence de viande par divers produits végétaux coûteux à produire dans des pays qui ne sont pas les leurs (le soja, les noix de cajou par exemple).

    Essayer de vivre au XXIe s. à la mode du Xe s., voire de périodes antérieures, est une aberration. La médecine a considérablement évolué, l'agriculture aussi, tout comme les structures sociales. Personne n'échappe à son environnement, par exemple aux moustiques qui peuvent transmettre de lourdes maladies : doit-on sauver le moustique en acceptant que chez les plus démunis évidemment, les hommes, les enfants en particulier soient gravement handicapés ? 

    La leçon de toutes les philosophies est la modération, l'équilibre et par dessus tout, la tolérance. Se faire vomir ou bien "nettoyer" ses intestins dans l'espoir fallacieux d'en éliminer les toxines est tout aussi inutile que ridicule, voire dangereux. Pour ne pas parler des saignées, préconisées elles aussi par une certaine médecine ayurvédique. Ce qui ne veut pas dire que tout soit à rejeter dans l'ayurvédisme, mais accepterait-on de se soigner actuellement dans les pays occidentaux en ne recourant qu'aux traitements médiévaux qui favorisaient une forte mortalité ? Un massage ne peut-être efficace après un banquet copieusement arrosé. Mais les interdits (ou recommandations) alimentaires sont opposés à l'esprit libertaire du tantrisme. Chacun est le bienvenu, omnivore, végétarien, voire végane, car l'épanouissement spirituel  (c'est bien l'esprit qui gère tout, y compris l'alimentation) amène naturellement chacun à choisir un équilibre. Son propre équilibre.

     

  • Tantra et sexualité

    Pourquoi tant de haine ? 

    Quel que soit le nom sous lequel on la cache, la sexualité se trouve au coeur du massage tantrique, et plus largement du tantrisme. S'il ne s'agissait que de cela, elle n'aurait guère d'intérêt, car il existe actellement mille autres moyens plus faciles de la pratiquer. Si le tantra recourt à la sexualité c'est qu'il considère qu'elle est le moteur humain le plus puissant pour produire de l'énergie : elle est à l'origine de toute vie, en est un moteur essentiel, parvenant à renverser des obstacles apparemment insurmontables. Accessible à tout un chacun, elle apporte de plus un plaisir intense, solitaire ou partagé. De quoi donc la faire détester de ceux qui rêvent d'un monde meilleur (pourquoi le rechercher s'il se trouve déjà sur terre ?) et tenter de la contrôler pour ceux qui veulent diriger "au mieux" les consciences, donc la société. 

    Les ascètes, tout aussi mal vus des pouvoirs en place, suivent un chemin inverse, en domptant leurs corps, leurs instincts, et avant tout leur sexualité. Si le chemin tantrique semble plus accessible, il ne promet pas l'extase à tout un chacun. Il n'a rien non plus d'un libertinage : la multiplication des partenaires, loin d'apporter l'apaisement, pousse à une recherche constamment inassouvie. L'acte sexuel lui-même n'apporte qu'un plaisir limité dans le temps, s'il n'a pour but que l'orgasme "classique". En revanche, la sollicitation par le massage des zones érogènes éveille cette énergie particulièrement puissante, une énergie également générée dans d'autres parties du corps, mais pas de manière aussi forte. Il n'existe cependant pas "une" énergie sexuelle différente des autres : une seule énergie anime pour le tantra, l'univers comme les êtres humains ; en eux, elle est  gérée par divers centres appelés les chakras, répartis du périnée au sommet du crâne, au cerveau et diffusée par les nadis, ces vecteurs invisibles qui irriguent l'ensemble du corps, et sur lesquels se fonde l'acupuncture. Grâce à eux l'excitation générée par les sens circule à travers tout le corps. Ne parle-t-on pas de "frisson de plaisir" ? Vouloir cantonner l'énergie sexuelle aux zones érogènes par une satisfaction rapide, c'est priver le reste du corps de ses bienfaits. La nier ou la refuser, c'est le faire mal fonctionner. Les sociétés ou les milieux les plus rigoristes qui prétendent l'exclure, ne font que favoriser l'hypocrisie et la perversité. Le bon docteur Freud l'a suffisamment démontré. Le tantra est la seule doctrine qui reconnaît la sexualité et l'utilise dans sa pratique.  

     

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    Or cette sexualité est mal considérée. Un lourd héritage a été porté de siècle en siècle par des sociétés qui ont cherché à l'étouffer, au mieux à la canaliser. Lorsque les guerres, les maladies ou les épidémies décimaient des populations qui avaient une espérance de vie d'une trentaine d'années (Moyen Age occidental), leur survie passait par l'obligation de procréer. Il fallait donc avoir le plus d'enfants possible, et les condamnations les plus sévères touchaient les pratiques sexuelles qui ne la permettaient pas (homosexualité, sodomie, fellation, masturbation...). D'où aussi la polygamie et les mariages forcés.  Le mariage devenu sacré permettait d'une part d'assurer l'éducation des enfants, d'autre part, la transmission des biens. En contrepartie, les enfants devaient être "légitimes", et l'épouse obligatoirement fidèle. Pas question de valoriser pour elle un plaisir qui pouvait la détourner de la procréation. La femme était avant tout, (à défaut d'être vierge, le statut idéal pour celle qui ne se mariait pas), un ventre à donner la vie, la garante du confort domestique... voire un moyen d'étayer sa fortune. L'homme jouissait en revanche de toutes les libertés. Les sentiments avaient peu d'importance, et les mariages étaient la plupart du temps arrangés afin d'unir des lignages, des biens... Peu à peu s'est développé le thème de l'amour-passion qui, contrevenant aux règles sociales (il n'avait plus besoin de la société), fut systématiquement voué à l'échec. Il en est cependant resté un idéal, celui d'un couple où chacun cherchait tout en l'autre ; la femme devait être belle, sensuelle, mère, amante, bonne gestionnaire, sensible ; l'homme fort, courageux, travailleur, père, amant, intelligent, protecteur... La désillusion ne tarda guère. Dans des sociétés où le divorce quasiment impossible était systématiquement condamné, restait à trouver un modus vivendi. L'homme recherchait le plaisir sexuel en dehors de son couple, dans des maisons closes, ou des conquêtes innombrables qui le valorisaient ; la femme, dans des rêveries ou des plaisirs solitaires jugés "coupables", parfois dans des aventures, elles, unanimement condamnées.

    Le tantra, à l'image de toutes les philosophies orientales ne vise pas à bouleverser le monde. Il demande en priorité à s'occuper de soi-même. Respectant les opinions et croyances les plus diverses, il affirme la liberté de chacun, provoquant ainsi sa condamnation par les ordres établis. Cela explique le secret qui a entouré sa transmission durant des siècles. Chacun est responsable de sa vie, donc de son bonheur... ou de son malheur. Il n'y a pas à rechercher de cause, ou de responsable à l'extérieur. Une maxime chrétienne "Aide-toi et le ciel t'aidera" va d'ailleurs dans le même sens. Celui ou celle qui ne vit qu'à travers l'autre ne s'épanouit pas, et la perte de l'autre, quelle qu'en soit la raison, devient une catastrophe. Il faut dissocier amour et plaisir : à force de vouloir les réunir à tout prix, on détruit l'un et l'autre. Le plaisir, même créé par l'autre, ne peut être ressenti qu'individuellement. L'amour fait brutalement entrer  dans la vie d'un être, une autre personne qui, quoi que l'on en pense dans les premiers temps, est fondamentalement différente, avec une autre histoire, d'autres attentes. Ce dont on se rend compte peu à peu. Lorsque l'on considère qu'une séparation est plus néfaste qu'une cohabitation, l'amour s'étoffe de nouveaux liens : enfants, spectacles, musique, nourriture... mais la plupart du temps, la sexualité n'y trouve plus son compte. Or elle reste le fondement de la vie... et de la jeunesse. Elle peut alors s'enrichir de nouvelles pratiques, et les sollicitations sexuelles ne sont plus systématiquement associées à son partenaire, ne détruisant en rien un amour qui s'épanouit sur un autre plan : écouter une musique magnifique, déguster un met délicat, contempler un tableau extraordinaire apporte un plaisir individuel que l'autre ne partage pas forcément. Serait-ce une cause de rupture ? Pourquoi en irait-il différemment dans le domaine sexuel ? Un massage apporte du bien-être à l'un ou à l'autre sans pour cela briser l'amour. Permettre à son (sa) partenaire d'éprouver du plaisir sans en être la cause n'est-il pas plus important que de le lui interdire ?  

    Malgré la singularité du plaisir et de tout chemin initiatique, on ne peut oublier que l'homme vit avec d'autres hommes, dans un monde et plus largement un univers qui se reflètent en lui. Il est illusoire de lutter contre eux (d'où la doctrine de la non violence, ou, pour le taoïsme, du "non agir"). Ce n'est pas en dominant le monde, les animaux ou la nature que l'on découvre sa force. Les catastrophes naturelles rappellent régulièrement que la nature n'a que faire de la "puissance" de l'homme. Qu'il le veuille ou non, il doit s'harmoniser avec ce qui l'entoure, tisser des liens  (pour reprendre une étymologie du mot "tantra"), et chercher ainsi une extase qui devient fusion avec l'univers. À deux, cela est évidemment plus facile, mais  n'est pas indispensable. 

    Le propre du tantrisme, par rapport à d'autres voies, est d'utiliser la sexualité pour progresser. En effet, il s'agit de suivre un chemin qui impose ses contraintes : ce n'est pas un simple massage, même partagé, qui permettra d'atteindre le septième ciel pour y demeurer. Ce n'est qu'un point de départ. L'essentiel de l'aventure est à venir, un peu comme lorsque l'on apprend à faire du vélo ; au début, cela semble extraordinaire de pouvoir avancer sur deux roues, mais on reste encore très loin de pouvoir franchir Tourmalet ! La force du tantrisme est qu'il ne cherche pas à détruire le monde ou ses habitants. C'est une doctrine positive qui n'exclut pas l'amour, mais qui ne peut se confondre avec lui.