Candaule

Le tantrisme confronté aux tabous

Jacob jordaens king candaules of lydia showing his wife to gyges

 

Les fantasmes sont aussi vieux que l'humanité et n'ont pas été créés par nos sociétés dites "décadentes". L'historien grec Hérodote raconte une histoire censée se dérouler plusieurs siècles avant notre ère. Le roi de Lydie Candaule avait une épouse si belle qu'il voulait qu'elle fût partagée par d'autres.  Il persuada Gygès, un de ses officiers, de la contempler alors qu'elle se déshabillait, sans qu'elle n'en sût rien. Même si l'historien de le dit pas clairement, Candaule prit grand plaisir à voir sa partenaire ( il s'agit en général d'un fantasme masculin) dans les bras d'un autre, voire de plusieurs.  Le candaulisme s'oppose donc complètement à la jalousie. Ce fantasme est étroitement associé au voyeurisme et si la femme est consentante, cela devient pour elle de l'exhibitionnisme. C'est ce qui apparaît dans le tableau ci-dessus de Jacob Jordaens... où le voyeur devient aussi celui qui regarde le tableau. Les fantasmes sont toujours ambivalents et comme ils jouent avec des interdits, il est très difficile de déterminer jusqu'où ils peuvent être réalisés, d'autant qu'ils sont tous condamnés à un moment ou un autre, dans un pays ou un autre par la société  puisqu'ils échappent aux normes qu'elle fixe, presque toujours en s'appuyant sur la religion. En condamnant la plupart des fantasmes, les religions autres qu'orientales, les a en fait avivés ;  le "fruit défendu" ne serait-il pas le meilleur  (notamment la fameuse pomme tendue à Adam) ?

Le tantrisme joue constamment avec les fantasmes, et à ses origines connues, il y a plus d'un millénaire, il prônait l'abolition de tous les tabous, la réalisation de tous les fantasmes, afin de parvenir... à s'en libérer. Il s'agissait donc d'un moyen, non d'une fin, car en devenir esclave, empêcherait toute libération. Les reliefs érotiques des temples indiens exposés à la vue de tous, le montrent de multiples manières. Tous les participants étaient consentants, peut-être parfois sous l'influence de drogues, mais la libération des uns ne peut s'accommoder de l'asservissement des autres, d'autant que les rôles sont interchangeables. Ces sculptures ne montrent jamais de violence, même si la société de ce temps n'était guère paisble, mais la sexualité était omniprésente dans les temples, indispensable à la recherche du nirvana dont elle donnait une avant-goût. Les sociétés ont évolué, les interdits aussi, variant selon les pays et les époques et le tantrisme actuel ne peut qu'en tenir compte :  la réalisation de certains fantasmes acceptés autrefois n'est plus possible de nos jours.

Le tantrisme requiert la pleine conscience, le respect de l'autre, il implique l'égalité entre les participants (homme/femme par exemple), et refuse toute violence, ce qui de nos jours élimine la réalisation de certains fantasmes qui ne respecteraient pas ces a-priori. Il est fondamental que tout le monde soit consentant, d'ailleurs, dès l'Antiquité, Hérodote raconte que Candaule, n'est pas condamné pour avoir voulu partager sa femme, mais pour ne pas lui avoir demandé son accord ! Cette épouse d'ailleurs n'en veut pas à Gygès le voyeur... mais à son mari ! Mais comme le tantrisme condamne tout sentiment de possession (le fondement de la jalousie), il s'accommode fort bien du candaulisme. Une nouvelle fois, il faut rappeler que la sexualité de doit pas être confondue avec l'amour et que chaque être humain est libre, c'est-à-dire ne pas dépendre d'un autre.

Voir et être vu est devenu fondamental dans notre société qui joue constamment avec le voyeurisme et la sexualité : les films, les publicités, la mode (avec par exemple en ce moment celle des robes transparentes) ne cessent de jouer avec les interdits, alors que la morale, au contraire, se rigidifie. Tout le monde est plus ou moins voyeur, favorisant ainsi l'exhibitionnisme. Dans la mesure où le tantrisme impose la nudité, il ne peut plus jouer avec elle, souhaitant oublier l'apparence pour aller vers l'essentiel. Le corps existe toujours, l'excitation aussi, mais chaque pratiquant n'existe que par et pour lui-même et non à travers les autres. Il est donc possible, voire conseillé dans le tantrisme de jouer avec les fantasmes, en particulier celui du candaulisme, ce qui permet d'accroître son excitation, donc son énergie, en pleine harmonie  avec son/ sa partenaire.

Toute personne qui accepte que son partenaire dans la vie prenne du plaisir (quel qu'il soit, mais le plaisir sexuel est évidemment tout particulier) avec quelqu'un d'autre qu'elle, se libère et le libère. Si c'est en sa présence et dans le domaine sexuel, il est donc candauliste, ce qui ne veut pas dire qu'il n'en ressente pas au début de la douleur, mais cette souffrance se transforme pour lui en plaisir d'autant plus intense qu'il l'assume, ce que fait remarquer Laurent Terzieff dans le film de Clouzot La Prisonnière. La jalousie n'est jamais le moyen de prouver son amour, mais de priver l'autre d'une liberté et qui finit part détruire l'amour, car il a été confondu avec la sexualité.